On est a la base de Gander, a Terre-Neuve, la plus grosse base
de la Royal Canadian Air Force a l’époque. On fais partie du
squadron numero 10. Avec nos Liberator B-24, on fais la chasse au
sous-marins allemands, qui sont beaucoup plus pres que prévus. Il y
en as dans le Saint-Laurent qui ont coulé plusieurs bateuax, mais
aussi au large, dans l’atlantique.
Notre but, c’ est surtout de repèrer les sous-marins et de les
signaler. C’est très difficile d’en couler un et c’est surtout très
dangereux parce que le sous-marin aussi nous tire dessus… Souvent
c’est l’avion qui se fait descendre comme s’est arrivés a nos
copains.
Le mois passé on as eu l’honneur d’escorter le navire HMS RENOWN
qui ramenait Winston Churchill en Angleterre, après sa rencontre
avec Heisenhower, a la conférence de Québec. On devait le protèger
des sous-marins allemands. Sur le chemin du retour on en as eu un,
le U-341.
On nous as grandement fètés, félicité. Ca a été une victoire
d’équipe : pilotes, navigateur, operateur radio, mitrailleur,
bombardier ; tout le monde s’est donné a fond. Et depuis, 6 autres
rencontres avec des sous-marins.
Le jour du crash, lundi 19 octobre 1943, était une journée
grise, une journée de pluie, de vent, de tempête. Mais rien
d’inhabituel, on avais deja volé dans des conditions comme
celle-là, quoique c’est vrai que ca brassait pas mal dans le coin
de Mont-Joli.
On as attendu toute la journee que le temps se degage pour pouvoir
decoller. On veux se rendre à l’aéroport Rockcliffe près d’Ottawa,
ou on est habitué de se rendre, mais il est fermé a cause de la
mauvaise température.
On se dit que dans quelques heures l’orage vas avoir passé, on
attends, mais ça semble être un assez gros système. Toute la
journée on as attendus et esperé une accalmie qui tarde a venir.
Mon navigateur Bruce Murray décide de remetrre son vol à demain.
Nous, avec nos affaires paquetée dans nos sacs depuis hier soir, on
change notre plan. On décide de partir et de nous rendre à
mi-chemin, à Mont-Joli. Après, on verra bien : d'ici a ce qu'on
soit là-bas, l'orage vas avoir eu le temps de se déplacer.
Les gars on tous hâte d’être chez eux. On as envoyé des
télégrammes, des lettres. Parents et amis nous attendent. Pour
certains il y a aussi une bien aimée.
Mais pour moi c’est moins drole... J’ai moins le cœur a la fete,
malgres nos exploits des dernières semaines. Je dois rentrer chez
nous, en famille, parce que mon frère vient de se tuer... William
est un an plus vieux que moi, il a 23. Il est lui aussi pilote, lui
aussi sur un B-24. Il est avec le squadron 354, en Inde. Et eux
aussi font la chasse aux sous-marins allemands.
Il vient de se tuer, avec tout son équipage; l’avion est tombé en
mer. C’est arrivé le 7. Pas mercredi dernier, l’autre avant. On
vient de l’apprendre. Je viens de recevoir le télégramme. William…
J’arrive pas a le croire. Ma pauvre maman…
On décolles finalement de Gander a 22:16 G.M.T, soit 18h36
locale (GMT – 3 ½ ), c’est l’heure exacte ou le soleil se couche
aujourd’hui. Tout se passe bien pendant les premieres heures,
vitesse de croisiere, 160 mph (255 kmh). (C = quatre / four).
Après quatre heures de vol (02:00 GMT) ont étais rendus au-dessus
de Mont-Joli, mais la piste était fermé à cause des trop mauvaises
condition météo. Rien a faire. On nous dit qu’il n’y as aucune
visibilitée sur la piste. Tu parles...
Là, ça brassait vraiment dans l’avion.
Le controlleur de Mont-Joli nous as conseillé de continuer jusqu’à
Dorval, puis ils n’ont plus entendus parler de nous, jusqu'à ce
qu’ils redécouvrent l’avion deux ans et demie plus tard, en juin
1946.
Les gens ont pensé qu’on s’était perdus, parce qu’eux ne savaient
plus ou on étais rendus et ils ne comprenaient pas ce qu’on faisait
dans le coin de la montagne noire. Ils nous imaginaient quelque
part entre Mont-Joli et Dorval. Mais non…
Personne n’a su ce qui est arrivé ensuite, mais pensez-y deux
minutes. Vous savez, on est habitué a voler dans toutes sortes de
conditions météo et meme si on a pas de gps, on as quand meme la
radio navigation a bord. On fait des heures de vol au-dessus de
l’atlantique, on parcourt des milliers de kilomètres sans repères
visuels et on revient a notre base sans problèmes. On sais ce qu’on
fait.
Le controlleur de Mont-Joli nous as conseillé de continuer
jusqu’à Dorval, mais c’est toujours le pilote qui décide. On ne lui
as jamais mentionné quelle était notre intention.
Les gens ont pensé qu’on s’était dirigé de Mont-Joli vers Dorval,
alors je les comprends de se demander ce qu’on fesait à la montagne
noire.
Pourquoi aller a Dorval ? Notre intention a toujours été de nous
rendre a Rockcliffe, Ottawa. Avec notre avion, Dorval ou Ottawa,
c’est pas beaucoup plus long. C’est du pareil au même. Apres 6
heures de vol, on en est pas à 20 minutes près.
Mais tenter une trajectoire Mont-Joli - Rockcliffe serait vraiment
pénible. Ca brasse beaucoup trop. Notre prioritée est tout dabord
de sortir de cet orage, de ce gros système orageux. C’est pas des
farces, je comprends que la visibilté soit nulle…
On as mis le cap vers la station RCAF de Bagotville.
Bagotville est ouvert depuis un an (été 1942), ça devient un
centre important. Ils ont maintenant des radars pour le controle de
la circulation aérienne et aussi des antennes émetrices pour la
radio navigation, comme Roberval. Ca nous fait donc deux stations
RCAF pour nous guider.