Je suis ... je suis un boulet de canon. Seul et abandonné, je rêve qu'on me retrouve afin d'achever ma destinée. En espérant que vous pourrez m'aider, laissez moi vous raconter mon histoire :
Moi et mes semblables avons été achetés pour le compte de l'Ecole d'Applicaion d'Artillerie de Fontainebleau en tant que munition d'exercice. A cette époque, un tir était programmé toutes les semaines pour entraîner les nouveaux officiers d'artillerie par décision de Napoléon.
On avait installé à cet effet plusieurs pièces d'artillerie sur la butte du Petit Mont Chauvet et orienté tous les canons vers l'Ouest en direction d'une zone appelée le "polygone de tir", bordée par les reliefs constitués par les Rochers de la Salamandre et les Rochers du Long Boyau. Aujourd'hui, le massif forestier a en partie recouvert cette zone et ne reste que la partie terminale du polygone de tir dont le nom subsiste encore sur les cartes géographiques.
Je me souviens qu'à mon époque, les munitions étaient transportées par charriot et les chevaux avaient grand peine à gravir le chemin, autrefois appelé Mail Henri IV aujourd'hui Av de Maintenon. Vous retrouverez facilement ce chemin, puisqu'il existe toujours et qu'il passe juste derrière le château de Fontainebleau. Il vous amènera tout en haut de cette grande butte. Dame nature m'a colporté qu'une borne geodésique (Bne 128) est aujourd'hui présente à son sommet.
Déballées, les munitions étaient rapprochées au plus près des canons installés sur le secteur le plus à l'Ouest du mont, afin d'être tirées dans la journée. Si vous passez par là, prenez le chemin de randonnée et suivez les panneaux indicateurs. Vous verrez quelques vestiges des activités passées : un abri , des pièces metallliques ... et un joli panorama. Pour les plus pressés, marchez depuis la borne sur 283 m angle 302° et vous trouverez un plot en ciment. C'est à cet endroit que l'officier de tir donnait ses commandements, à proximité des canons.
Habituellement, une cible était choisie à un point situé à 4000 m (au-delà du Carrefour du Puits du Cormier). Une première salve de deux canons étaient tirée et selon le résultat, de nouveaux tirs étaient réalisés jusqu'à ce que les boulets encadrent leur cible. A ce moment là, un tir "d'efficacité" était ordonné et tous les canons de la batterie envoyaient leur projectile à l'unisson.
Lorsque mon tour arriva, il était environ 10h00 et plusieurs coups d'essai avaient été tirés. L'officier de tir avait commandé un tir de correction. Malheureusement, au moment où je fus tiré, le vent se leva et une bourrasque modifia ma trajectoire trop à l'Est. Après avoir parcouru une distance de 2655 m - angle 292°, j'atteignis le sommet d'un télégraphe de Chappe situé sur la crête du Long Boyau. Je revois encore les yeux surpris de l'officier d'observation, puis le mat du télégraphe tomber à terre.
Quant à moi, si je fus à peine dévié (angle 304°), ma course se ralentit net 11 mètres plus loin ! Au moment où j'ai touché le sol, je n'ai pas éclaté. J'ai juste rebondi deux fois puis j'ai roulé et je me suis abrité dans l'anfractuosité d'un rocher.
Si vous prenez le sentier de randonnée n°8, il vous conduira au poste d'observation.Profitez en pour admirer le panorama. En ce qui me concerne, je ne peux en profiter, l'arbre qui me fait de l'ombre me bouche aussi la vue, et je ne peux vous en dire plus sur ma situation. Je m'ennuie, seul, oublié des miens.