Eh ben, il faut le faire ! Oser se quereller avec Charlemagne ! Ils ont beau être quatre, cela ne fait guère le nombre face au vainqueur des Saxons, des Lombards, des Musulmans,... L’empereur d’Occident, ni plus ni moins. Faut-il qu’ils soient Gaumais, dites donc ! Des Roger Champenois avant la lettre !
Et c’est vrai que, comme Champenois, la « Chanson de Renaud de Montauban », désormais connue comme la « Légende des Quatre Fils Aymon », décrit surtout l’incessante fuite de ces quatre frères insoumis. Née d’une épopée médiévale, elle a connu de nombreuses adaptations littéraires.
Comme toujours en Gaume, l’origine de la dispute est futile : juste un coup de sang de Renaud, qui a tué le neveu de l’empereur parce qu’il trichait aux échecs. Et encore, ce n’était pas fait exprès. Mais donc, Renaud, Allard, Guichard et Richard, fils du duc Aymon, se verront sans cesse traqués, et cela durant des années. Charlemagne est plutôt du genre rancunier. Ils bénéficieront bien vite de l’aide de leur cousin Maugis, qui par bonheur – voyez-vous ça - se trouve justement être un enchanteur. Il a offert à Renaud l’épée Flamberge, qui donne force et souplesse durant le combat, et le cheval Bayard qui peut grandir démesurément pour porter avantageusement sur son dos les quatre cavaliers, et leur faire franchir des bonds d’une lieue (soit, quand même, cinq kilomètres).
Il se fait que, en récompense d’un renfort qu’ils lui ont apporté contre les Sarrazins, le roi Yon, beau-père de Renaud, leur offrira une forteresse en ruine qu’ils reconstruiront. C’est Montauban, qui remplacera avantageusement le petit château Renaud près de Croix-Rouge. Joli cadeau ! Occupé à diverses périodes celtiques, le refuge de Montauban est un lieu perdu où l’on retrouve des vestiges de fortifications. Aujourd’hui, il présente bien, en sa pointe, les ruines d’un fort donjon et des murailles construites avec des bas-reliefs funéraires gallo-romains (la fameuse « Moissonneuse des Trévires », par exemple). Les fils Aymon y ont-ils vécu ? En tout cas, l’archéologie a prouvé qu’il datait bien de cette époque (le VIIIème siècle), et qu’il n’avait pas mis longtemps à être incendié. Peste, dit la légende ! Dès que Charlemagne apprit la chose, il mit le siège devant Montauban et affama les assiégés au point de les faire périr les uns après les autres. L’épisode le plus impressionnant relate la fuite hors de Montauban incendiée, rendue possible grâce à Bayard, le cheval-fée. D’un bond prodigieux, il emporte les fils Aymon loin de là et les sauve (inutile de dire que, lorsqu’il pose le sabot, son empreinte reste marquée sur le sol, d’où le « pas Bayard », que l’on peut encore voir entre Ethe et Buzenol) !
Mais il y a une autre rumeur, celle de la Dame blanche, gardienne de Montauban. Ne serait-ce pas Claire, l’épouse de Renaud ? On dit qu’elle se serait terrée dans les labyrinthes souterrains, près du trésor fabuleux des quatre frères pour échapper aux sbires de Charlemagne. La malheureuse y serait morte de faim et, avec ses féroces griffons, animaux mythiques, son fantôme errerait depuis parmi les ruines, causant la perte de tous ceux qui chercheraient à s’en emparer.
La légende est commune à de nombreux pays d’Europe. Mais c’est en Gaume que l’on rencontre le plus de sites évocateurs : à Florenville, à Rulles, à Etalle,… Oh, et puis … Guissard, Allard, Renaud et Richard ne sont-ils pas restés des noms de famille toujours connus chez nous ?
