Les trois ponts d’Orbe.
Ce qu’il y a de très intéressant à Orbe, c‘est la succession des ponts que l’on y construisit au cours de deux millénaires. Un exemple classique que l’on rencontre en divers endroits de l‘Europe. Le site d’Orbe, sur le dernier contrefort du Jura, à l’endroit où la rivière débouche de ses gorges pour s’étaler dans la plaine, constitue un très ancien lieu de passage. Dès l’époque romaine, mais probablement auparavant déjà, l’Orbe se franchissait là, à l’endroit où par son étalement elle devient peu profonde et guéable. Plus en aval, elle rejoint la large plaine marécageuse où l’inondation durait plusieurs mois de l’année et ne permettait pas de la franchir.
L’ancien pont de bois.
Dès l’époque celtique ou romaine, un pont de bois a certainement existé aux Granges, comme il est attesté vers l’an 1100. Il porte alors le nom de Pont-du Vua, mot rustique qui indique un gué ou un passage de rivière. Du temps des Romains, c’est aux Granges déjà que se trouvaient les relais et les gîtes d’étape. Une étape particulièrement bien située sur la route de l’Italie vers la Gaule, à une journée de Lausanne et du lac Léman et à une autre de Pontarlier, de l’autre côté du Jura. Quant à la villa romaine d’Urba proprement dite, elle se trouvait plus haut sur le premier gradin au nord du site.
Au moyen Age, deux localités pratiquement distinctes, ayant chacune leur église, forment les têtes de pont du passage de l’Orbe. La villa Tabernis ou Taberna (taverne) s’étendait sur la rive droite de l’Orbe avec sa basilique dédiée à saint Martin. Aujourd’hui, c’est le quartier des Granges-Saint-Martin. Sur la rive gauche, al villa Tavenis, bourgade bâtie autour de l’église saint Germain, tirait probablement son nom de strata tavellata, du nom des dalles dont la Vy-de-l’Etraz était recouverte. Ainsi donc, alors que sur la colline se développent lentement le bourg et le château, la ville basse demeure le lieu de passage animé autour du pont de bois inlassablement reconstruit. Il ne fut remplacé qu’à la fin du XIXe siècle par un pont métallique.
Le plus vieux pont de pierre de Suisse.
Ce pont de bois de la basse ville, au ras de l’eau, planté dans les alluvions, était à la merci des humeurs de la rivière. Les crues fréquentes endommageaient ou emportaient le pont qu’il fallait aussitôt reconstruire pour conserver les ressources qu’il procurait à la population qui vivait aux alentours et au seigneur par les droits de pontage.
Avec le développement du bourg et les modifications du trafic dans la traversée du site, un nouveau pont devenait indispensable. Il était nécessaire de le construire plus haut, hors d’atteinte de la rivière. Et de le construire en pierre pour éviter les reconstructions périodiques, le bois étant si vulnérable aux intempéries lorsqu’il n’est pas protégé. De le construire enfin à la mi-côte pour adoucir la pente entre la ville basse et le bourg.
Pour améliorer l’accès à la ville, le pont en dos d’âne fut construit en 1424, grâce à la volonté d’un ermite, le frère Girard Borellier, qui vivait dans les rochers de la rive droite de la rivière. Le pont des Moulinets est le plus vieux pont de pierre de Suisse parfaitement conservé. On dit que le traverser porterait bonheur.
Au bas de la rue se trouvait la porte St-Eloi, à côté des anciens moulins. Le petit passage voûté, qui porte le nom de “ La Foulaz ” et la date de 1574, rappelle que non seulement on fabriquait de la farine, mais aussi du drap.
C’est une petite merveille qui mérite qu’on vienne l’admirer de près.
Le pittoresque du site n’avait d’ailleurs pas échappé à Alain Tanner pour son film « Le Milieu du Monde » et qui sut fort habilement l’utiliser dans sa mise en image.
Source : Vieux ponts du Pays de Vaud Pierre Delacrétaz