- Le Jardin aux Merveilles -

L’improbable se faufile souvent dans les interstices.... A Troinex, c’est au milieu des serres que s’est glissé l’enchanteur jardin de Marcel Lachat.

Une vache rouge broute tranquillement sous une gloriette de jardin. Transformé en fusée spatiale, un vieux silo pointe le ciel et semble sonder les tréfonds de l’univers ou la crête du Salève. Un bateau rouillé bascule dans des grincements de vieux rafiot fatigué et juste à côté, c’est un trianon qui vous téléporte en Grèce, ou dans un autre temps. Un peu plus loin, une machine agricole multicolore s’ébroue et fait la belle. Plantée au milieu de ce décor, elle évoque autant l’urinoir de Duchamp qu’un manège de Disney.

Quant à la maison, elle s’éparpille dans tous les sens. D’est en ouest, de haut en bas, du nord au sud, on ne sait plus trop. Sur sa façade trône une immense horloge aux aiguilles paresseuses, car ici, évidemment, le temps s’est arrêté. La soucoupe volante parquée nonchalamment devant l’entrée vous invite à un voyage intersidéral ? Réfrénez votre enthousiasme, il s’agit en fait d’une annexe de la maison…

Mais qui donc réside ici ? De quel esprit lunaire et ingénieux peut bien être né cet endroit ? Découvrir une maison, c’est aussi visiter un personnage. Et en l’occurrence, le maître des lieux est à la hauteur.

«Hier un type passait par là en voiture. Il a planté sur les freins. Il était sidéré ! Ça lui parlait ! Il a dit que ça lui faisait penser à Frank Gehry, l’architecte du Musée Guggenheim de Bilbao» s’enthousiasme fièrement Marcel Lachat. Si la comparaison est élogieuse, sa maison intéresse les étudiants d’architecture depuis longtemps. Certains y ont même consacré des travaux.

Aujourd’hui retraité, l’homme a consacré sa vie au vol libre. Il en fit son gagne-pain et fonda sa propre école. Aile delta, ULM, parapente, il a tout fait. Il sera même le premier à s’envoler du Salève en deltaplane. Son école désormais reprise par son beau-fils, l’homme a tout loisir de rêver. Et faire rêver.

Le site de sa maison se trouve sur l’immense parcelle qu’il utilisait à l’origine comme piste d’atterrissage. Il y a vingt ans, las de se faire voler ses ailes delta, Marcel emménage sur son lieu de travail. Qui devient alors son lieu de vie. Les bases de sa maison sont alors deux solides containers marines dans lesquelles il rangeait son matériel. Puis les choses se sont enchaînées, entrechoquées et la maison de se développer au gré des désirs, des besoins et des opportunités. «Il s’agit d’architecture évolutive» explique Marcel Lachat. Echanges de bons procédés et retour d’ascenseur avec les paysans et artisans du coin, récup’, tous les moyens sont bons pour mettre la main sur des matériaux qui titillent sa créativité. Mais aujourd’hui, la phase d’expansion touche à sa fin. «Je me rends compte qu’il faut que je m’arrête» sourit l’homme. L’entretien des installations, de la maison, l’herbe à faucher accapare tout son temps et ses forces. «Il faut toujours intervenir !» sourit-il.

Marcel Lachat n’a qu’un seul regret: personne ne se profile pour s’impliquer et reprendre le flambeau. «J’aurais aimé que d’autres personnes viennent créer ici. Que l’endroit devienne une sorte de village d’artistes». Des vocations ?

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