Au-dessus de l’abbaye de Saint-Jean, sur un pic élevé d’où l’on a une des plus belles vues sur les terres bénies de l’Alsace, se trouve une chapelle de pèlerinage consacrée à Saint Michel. A quelque distance de là, sur le plateau rocheux qui la supporte, il y a un creux circulaire de quatorze pieds de diamètre et d’un à deux pieds de profondeur. Plusieurs veulent y voir un cercle druidique ; d’autres lui attribuent une origine plus récente et le disent simplement destiné à procurer aux nombreux pèlerins de la montagne des places plus commodes pour se reposer. Sous ce plateau rocheux, il y a une caverne, ancien asile d’ermites ; à l’entrée, il y a un tombeau de forme antique creusé dans le roc. Le dernier ermite a été trouvé assassiné dans le bois, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle.
La croyance populaire fait de ce lieu un point de réunion des sorcières et appelle le cercle en question l’école ou le trou des sorcières. La maîtresse sorcière et ses élèves s’asseyent en cercle dans ce creux ; les sorcières punies sont enfermées dans la caverne. C’est d’ici qu’elles prennent leur vol, Dame Itta à leur tête, pour aller sur le Balsberg.
Schweighauser doute que ce creux du plateau rocheux ait une origine druidique ; mais tout parle contre son opinion ; l’aspect des lieux comme le développement historique des croyances religieuses du peuple. D’abord la situation regardant vers la plaine, plateau rocheux et caverne offrent au culte druidique un emplacement comme il s’en trouve peu dans la région. Le cercle creusé dans le rocher était manifestement un lieu de sacrifices et un lieu de réunion nocturne des druidesses ; la nature avait préparé la caverne ; le tombeau antique peut être d’une époque postérieure. Quand les idées religieuses celtiques disparurent la croyance aux druidesses se changea, au Moyen Âge, comme on le sait, en croyance aux fées ; de la caricature de celles-ci naquirent les sorcières. En France, on confond fréquemment les fées et les sorcières : à Jeanne d’Arc, accusée de sorcellerie, on demande « si elle sçait rien de ceux qui vont avecq les fées ».
Le Dr. Il. Schreiber, dans sa monographie sur les Fées en Europe et dans son Mémento historique pour 1846 démontre définitivement qu’à peu près tous les monuments dits « des fées » (châteaux, maisons, grottes, coteaux, cercles, pierres, etc.) se trouvent dans des lieux où jadis se célébraient les cultes druidiques.
Les druidesses étaient comme les sorcières, des enchanteresses :
« Pomponius Mela connaît un oracle de l’île de Sena (Sein, en face de Quimper) auquel président neuf vierges aux dons miraculeux. Par leurs incantations elles savent, paraît-il, soulever la mer en tempête, se changer à volonté en toutes sortes de bêtes, guérir des incurables, annoncer l’avenir, etc.
Sur le mont Belenus près Dol (département d’Ille-et-Vilaine), on raconte encore aujourd’hui qu’il y eut là, comme à l’île de Sein, un collège de druidesses. Plus tard, ce mont fut couronné d’une chapelle de l’archange Michel, vainqueur des puissances infernales ; une abbaye de Bénédictins s’y ajouta… Partout en Armorique, monuments et traditions évoquent les druidesses et leur forme anoblie et embellie : les fées et les réunions de fées » (Schreiber, Les Fées en Europe, p.13)
J’espère que voilà restitués les droits du cercle druidique près de Saint-Jean. Il explique, avec les réunions de sorcières auxquelles croit le peuple, la présence sur notre montagne, comme sur le mont Belenus, d’une chapelle Saint-Michel.
Conte d’Auguste Stoeber, l'école des sorcières, traduit par Bérénice Boulay.
Le Mont Saint-Michel actuel est devenu bien trop fréquenté, aussi Dame Itta a dû trouver un endroit plus isolé pour s’y installer.
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